Il y a très exactement un an, j’ai eu l’occasion de rencontrer Henri de Rohan Chabot dans le cadre d’une formation aux médias sociaux. Tranquillement, mais sûrement, j’ai appris à découvrir une cause, la sienne. Nous sommes nombreux à être concernés, mais très peu à pouvoir mettre des mots sur ce sujet de société : le répit des aidants de personnes malades, handicapées ou victimes d’une forte dépendance. Aujourd’hui, sous la forme d’une interview, je vous présente un projet humain et associatif que nous sommes fiers d’aider chez acti : la Fondation France Répit.
France Répit, en quelques mots, qu’est-ce-que c’est ?
Henri de Rohan-Chabot : C’est une jeune fondation créée en 2012, qui a pour objectif d’apporter des solutions à toutes les personnes qui prennent soin à domicile d’un de leurs proches atteint d’une maladie grave, d’un handicap sévère ou d’une dépendance. Ces personnes, que nous appelons les aidants, sont estimées à 8,3 millions en France. 20% d’entre eux consacrent plus de 50 heures par semaine à leur proche. Quels que soient leur âge et leur situation, les personnes malades ou handicapées et leurs proches aidants ont besoin d’être accompagnés sur le plan médical, ce que l’hospitalisation à domicile ou les soins à domicile font déjà très bien, mais aussi sur le plan humain au sens très large.
En effet, le temps long de la maladie impacte très fortement la vie de la famille et sur tous les plans : professionnel, physique, psychologique, etc. Ces aidants, à qui notre société confie la charge de leur proche, doivent pouvoir bénéficier d’un accompagnement humain et d’un soutien plus importants, qui existe encore très peu en France.
Comment France Répit agit ?
Henri de Rohan-Chabot : Nous développons des lieux d’accueils pour les aidants que nous appelons les « maisons de répit ». Nous allons d’ailleurs ouvrir la première à Lyon dans quelques mois. Nous mettons aussi en place des activités scientifiques : études, congrès, formations, programme de recherche.
Enfin, nous militons pour une meilleure reconnaissance des besoins des aidants, la mise en place d’un statut et d’un droit au répit pour les personnes concernées.
L’idée est de permettre aux aidants de bénéficier de temps de répit et d’un accompagnement adapté, et de leur offrir des solutions concrètes.
Le web est-il un espace important pour France Répit ?
Henri de Rohan-Chabot : Pour nous, ça a été fondamental. Il y a 3 ans, quand nous avons commencé nos réflexions sur le sujet, nous nous sommes rendus compte que l’offre de répit n’existait pas en France. Ce projet était donc très innovant. Pour faire comprendre aux décideurs que notre projet était important et qu’il fallait le soutenir, nous avons eu besoin de montrer sa crédibilité, son sérieux. Cela passe notamment par un site web qui donne une vitrine très rigoureuse et professionnelle de nos projets.
La deuxième chose, c’est que notre fondation propose une offre de soin nouvelle, innovante, qui nous impose de communiquer sur le web et les médias sociaux autour de ces enjeux de société. Nous avons organisé un congrès francophone (seconde édition en préparation), nous avons réalisé une importante étude de besoins, nous ouvrons cette année une formation universitaire ; et tous ces projets ont besoin d’être reconnus, valorisés, repartagés. Progressivement, cela nous fait connaître et fait connaître l’enjeu.
Parleriez-vous de philanthropie entrepreneuriale à propos de votre Fondation ?
Henri de Rohan-Chabot : Tout à fait. Nous avons deux types de contributions :
– Du mécénat classique : on sollicite des entreprises, des institutions ou des grandes fondations en leur demandant de nous aider financièrement. La plupart d’entre elles demandent aussi à être associées au projet, et du reste, c’est quelque chose qui nous convient très bien. Faire un chèque, c’est bien, mais aujourd’hui ce n’est plus suffisant pour les entreprises : c’était la vision un peu « paternaliste » du président sortant son carnet de chèque et donnant aux bonnes œuvres.
Aujourd’hui les dons sont effectués par les entreprises ou leur fondation, et ce n’est pas un acte de générosité individuel du président, c’est une entreprise qui décide de soutenir un projet et d’y associer des collaborateurs, elle veut y trouver du sens par rapport à son coeur de métier. C’est ce que nous avons pu observer avec nos grands donateurs ; ils donnent mais participent aussi avec nous à l’élaboration du projet, nous intervenons chez eux, ils nous apportent des idées, ils nous challengent, et essayent de trouver les points de failles de nos projets, ce qui correspond vraiment à ce qu’on appelle aujourd’hui la philanthropie entrepreneuriale.
– Du mécénat de compétences : l’entreprise ne donne pas d’argent mais elle met à disposition du temps-homme. On signe alors une convention de mécénat de compétences, le temps passé par les équipes est encadré et défiscalisé, ce qui permet à l’entreprise d’impliquer pleinement ses équipes. C’est donc un don, non pas financier, mais de compétences. Nous avons 6 entreprises qui nous aident de la sorte, notamment un cabinet d’avocat, un cabinet d’architecture, l’agence acti sur toute la communication digitale depuis le début. Cela nous permet d’avoir les meilleurs spécialistes de chacun des domaines requis pour le bon avancement de notre projet, et permet de crédibiliser encore plus notre démarche : en étant sur un champ nouveau, nous devons à tout prix prouver le sérieux de notre démarche.
Comment acti vous a accompagné ?
Henri de Rohan-Chabot : acti nous a aidé au départ sur la réalisation du site web: c’était la « commande ». Laurent (directeur de l’agence) que j’ai interrogé au départ, m’a dit : « Moi je suis d’accord, mais l’important ce n’est pas moi, c’est l’équipe ». Il nous a donc demandé de venir présenter le projet et nos besoins à l’équipe ; les salariés ont ensuite voté pour savoir s’ils étaient prêts à s’engager. J’ai beaucoup apprécié cette démarche, car ce n’est pas simplement une démarche de la direction mais plutôt l’engagement d’une équipe, ce qui était très important pour nous.
Nous avons donc mené la réalisation du site avec acti, et puis nous avons gardé le lien avec les équipes pour tous les enjeux touchant au digital. Nous avons par exemple eu besoin de formations sur Twitter dans le cadre de la promotion de nos actions sur le répit. Je trouve dans l’équipe des ressources qui permettent de nous familiariser avec le digital au sens large, et dès qu’une question se pose nous l’étudions ensemble. Ce qui est important pour nous, c’est d’avoir une équipe de consultants capables de nous accompagner dans notre stratégie digitale, parce qu’elle grandit avec la croissance de la fondation. Et après tout, ce n’est que le début de l’histoire de France Répit…
Quelles sont les dernières réalisations de la Fondation ?
Henri de Rohan-Chabot : Cette année, nous avons réalisé (avec acti évidemment !) un mini-site dédié à la formation universitaire qui démarrera dans quelques temps avec les universités de Lyon et Saint-Etienne : un premier diplôme du répit reconnu par les facultés de médecine. Nous nous sommes interrogés sur la promotion du diplôme, la potentielle intégration du contenu au site actuel (finalement abandonné au profit d’un mini-site), la gestion de l’interfaçage avec les sites des universités… Avec succès : nous avons quasiment fait le plein d’étudiants pour la première année !
Et pour l’avenir ? Quels sont les évènements importants pour France Répit ?
Henri de Rohan-Chabot : Nous allons ouvrir en 2017 un site Internet grand public : il va permettre à chaque aidant concerné par une situation au domicile où il prend soin d’un de ses proches de trouver des réponses en fonction de sa situation, de la pathologie de son proche, ou de sa zone géographique. Le site pourra alors lui proposer des services : hébergement temporaire, aide à domicile, aidant de substitution à son domicile pendant quelques heures ou quelques jours (ce que les canadiens appelent le baluchonnage), etc. Nous avons vocation à regrouper un bouquet de service, que nous sommes partiellement en train de construire, puisqu’il existe déjà sur certains aspects grâce à d’autres associations.
Nous avons aussi d’autres projets : d’abord un MOOC, un dispositif de formation en ligne avec sans doute une dizaine de modules. C’est l’idée d’enseigner aux aidants de manière gratuite et efficiente. Ensuite, nous travaillons sur la préparation d’un outil d’aide au diagnostic pour permettre aux aidants ou aux soignants de mesurer à la maison l’état d’épuisement de la famille et de l’aidant. En une vingtaine de questions, pondérées entre elles, cette application mobile pourra alors donner un niveau de risque de 1 à 10 pour informer les aidants d’un potentiel cas de crise.
Plus proche de nous :
6 octobre : journée nationale des aidants, nous allons annoncer à l’occasion un ambitieux programme de recherche clinique et médico-économique sur 5 ans
5 novembre : ouverture du diplôme universitaire du répit
2016 : deuxième édition du congrès francophone
Et cætera…
Dernière question : si un de nos lecteurs souhaite vous apporter de l’aide, comment peut-il faire ?
Henri de Rohan-Chabot : Nous avons besoin de faire connaître cet enjeu que beaucoup de personnes dans notre pays connaissent mal. Quand nous avons commencé à discuter avec le Ministère de la Santé, que ce soit à Paris ou en Rhône-Alpes, nous n’avons pas eu un accueil très positif, voire même des interrogations sur le bien-fondé de notre intuition. Il y a pourtant un vrai besoin autour de ces sujets. En 3 ans, tout a été très vite, le besoin est mieux reconnu, ce qui montre bien qu’il y a une prise de conscience. Donc la première façon de nous aider est d’aller sur notre site et de comprendre ce que signifie le répit et les besoins des aidants, et comment un accompagnement sur la durée peut aider ces familles à passer le temps long du handicap, de la dépendance ou de la maladie. Un travail d’information et de militantisme est à faire.
Ensuite, nous cherchons des recettes en permanence pour financer nos activités, et notamment la construction de la première maison du répit, grâce à des dons défiscalisés, pour les entreprises comme pour les particuliers. Et nous sommes toujours en recherche de professionnels qui ont des compétences à mettre à disposition de ce beau projet.
Et pour aller plus loin, écoutez la fin de l’interview en audio :