Journée de l’écoconception numérique 2024 . #JEN24

Le 1er février 2024 s’est déroulée une journée de conférences et ateliers, dédiée à l’écoconception numérique, organisée par l’association Designers Éthiques, et en partenariat avec des acteurs clés du sujet, publics, associatifs et privés.
acti y était présente, retours sur trois temps forts.

Conférence
“Pour une écologie décoloniale du numérique”

Pour introduire cette journée, une intervention “choc” portée par David Maenda Kithoko. David est originaire de la République Démocratique du Congo et réfugié politique en France. Diplômé de Sciences Po Grenoble, il est aussi le cofondateur et président de Génération Lumière, une association écologiste et de solidarité internationale qui se concentre sur les questions de l’extractivisme.

Il n’est pas inutile de rappeler que s’intéresser à l’écoconception numérique, c’est avant tout prendre conscience que notre activité s’inscrit dans une très large filière et que le 1er enjeu vise à réduire la production, la consommation et l’obsolescence des terminaux – terminaux que nous sommes encore très largement incapables de recycler.

L’enjeu de la réduction de l’empreinte des usages est souvent cité comme secondaire. “Secondaire” et pourtant très loin d’être négligeable : l’obsolescence « logicielle », par exemple, à elle seule, génère 20% de l’obsolescence des smartphones. Mais surtout, la courbe des usages grimpe de manière exponentielle.

Par le récit illustré de l’histoire de son pays et les drames qui s’y sont produits et s’y produisent encore, David met en lumière les liens qui existent entre colonialisme, numérique et “minerais de sang”. Longtemps cible d’intérêt pour son caoutchouc, c’est aujourd’hui pour ses richesses géologiques que cette terre est exploitée. La forêt du Congo est par sa superficie, la 2ème forêt tropicale au monde après l’Amazonie : 500 000 hectares disparaissent chaque année au profit de nouvelles mines.

80% du coltan mondial vient de RDC, 63% du cobalt. Et là bas, les mines sont gardées par des hommes armés.
Entre les mines “artisanales » – qui exploitent des enfants dans des conditions inhumaines – et les “mines industrielles” – c’est à dire “entre des mains corrompues” – , la guerre est selon lui le 3ème moteur de cette industrie extractiviste : un modèle en soi.

Le pays est aujourd’hui aux mains de 130 bandes armées qui répondent toutes à des intérêts étrangers, motivés par la gloutonne demande mondiale des minerais. Le “comptoir” est aujourd’hui essentiellement tenu par des entreprises chinoises et les besoins grandissant en minerais créent une pression supplémentaire sur les populations.

S’il existe des lois internationales condamnant la vente de ces “minerais de sang”, un simple passage par le Rwanda voisin permet d’estampiller la matière première d’une nouvelle carte d’identité pour pouvoir ensuite voyager librement.

David, témoin s’il en est des plus authentiques, incarne par sa propre histoire, l’urgence d’un numérique responsable à l’échelle internationale.

Son message : “les lois doivent changer ici, pour que nous, nous puissions vivre”.

Pas de meilleure transition pour parler de l’atelier sur le RGESN, le Référentiel Général d’Ecoconception de Services Numériques né en réponse à l’article 25 de la loi REEN (Réduction de l’Empreinte Environnementale du Numérique), ensemble de textes de loi qui entendent faire converger transition numérique et transition écologique.

Atelier
“Le RGESN en pratique”

Un atelier animé par Sandrine Elmi Hersi, Cheffe de l’unité “Internet ouvert » à l’ARCEP, accompagnée de Christophe Clouzeau et Julien Wilhelm de Temesis.


Pour introduction, le rappel d’un contexte.

Une tendance qui appelle à l’action

Les chiffres du scénario tendanciel du numérique pour 2030 en France :

  • trafic de données x 6,
  • +65 % nombre d’équipements par rapport à 2020.

Conséquence directe : un accroissement des impacts environnementaux associés.

L’écoconception des équipements et services numériques apparait parmi les leviers pour inverser cette tendance.

Un vide juridique

Le numérique étant une industrie jeune, le constat a été fait il y a quelques années d’un vide juridique autour de ses pratiques, autant en France qu’en Europe.  Avec sa loi REEN, la France se positionne en précurseur et est actuellement très suivie par ses homologues européens.

Un calendrier qui s’accélère

2022 : une première version du RGESN parait. 8 thématiques pour 79 critères : Stratégie, Spécifications, Architecture, UX/UI, Contenus, Frontend, Backend, Hébergement

Novembre 2023 : consultation publique sur le projet de RGESN Arcep-Arcom, en collaboration avec l’ADEME, la DINUM, la CNIL et l’INRIA. 57 contributions écrites reçues, dont celle d’acti.

Janvier 2024 : l’article 25 de la loi REEN entre en vigueur
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044327272

1er trimestre 2024 : Publication de la version finale du Référentiel Général de l’Ecoconception des Services Numériques. Objet : un référentiel unique et robuste par la puissance publique

Comprendre et s’approprier le RGESN

Le Référentiel Général de l’Ecoconception des Services Numériques est un document non-contraignant, il permet d’accompagner la construction des démarches d’écoconception de services numériques. La validation des critères – sous forme de question – peut faire l’objet d’une déclaration d’écoconception et du calcul d’un score d’avancement.

Quatre principaux leviers de réduction d’impacts mis en avant :

  • Concevoir des services numériques plus durables permettant d’allonger la durée de vie des terminaux
  • Promouvoir une démarche de sobriété face aux stratégies de captation de l’attention de l’utilisateur
  • Diminuer les ressources informatiques mobilisées, optimiser le trafic de données et la sollicitation des infrastructures numériques
  • Accroître le niveau de transparence sur l’empreinte environnementale des services numériques

C’est un référentiel qui vient compléter un panel de référentiels existants comme celui par exemple du RGAA pour l’accessibilité des services, ou encore le RGPD relatif à la gestion des données personnelles.

Sa nouvelle version 2024, qui devrait arriver courant du premier trimestre, s’axera désormais sur 9 thématiques pour 91 critères : Stratégie, Spécifications, Architecture, UX/UI, Contenus, Frontend, Backend, Hébergement, Apprentissage.

Les 3 phases clés de la démarche :

  • Phase amont de formation, qui consiste à prendre connaissance des critères
  • Phase de production du service numérique
  • Phase d’audit du service numérique

RGESN vs le référentiel Green IT

Ils se complètent, ne s’opposent pas.
Le référentiel Green IT et ses 115 bonnes pratiques est « très web » et se concentre beaucoup plus sur la technique.
Le RGESN couvre plus largement : plus en amont et post développement aussi.

Conclusion de la journée
“Quel avenir pour l’écoconception ?”

Tendances et limites partagées par l’association des Designers Ethiques :

  • La prise de conscience est là depuis les derniers rapports du GIEC et ceux du Shift Project.
  • L’accélération législative est réelle depuis 2 ans. La loi REEN deviendra-t-elle tôt ou tard « contraignante » ? La réponse à cette question reste en suspens.
  • L’écoconception est désormais très souvent incluse dans les appels d’offre. Les départements RSE veulent se former.
    Les publics restent cependant encore novices et peu sensibilisés à ce jour. L’effort de pédagogie est à déployer.
  • L’écoconception est parfois « servie à toutes les sauces« .

Une chose est sure, chez acti, nous continuons à suivre le sujet de près 😉

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